À quoi sert la compétition ?
Et si MJ avait écouté In Utero en boucle à sa sortie ?
À cette époque, Michael Jordan et Kurt Cobain sont probablement les 2 plus grandes stars de la planète.
Il y a certes Tom Cruise et Michael Jackson, mais bon, niveau caractère, on est loin de la rage des 2 leaders.
Jordan lead les Chicago Bulls, en basket, Cobain lead Nirvana, en grunge.
Les 2 stars sont lassées : Jordan a tout gagné. Il est à présent considéré comme le plus grand basketteur du monde, a égalé le mythique nombre de victoires NBA des Celtics de Bird, vient de perdre son père tragiquement, et n’a clairement pas d’adversaire à sa taille !
Il veut jouer au Base-Ball, sport de blanc.
Cobain a produit son album POP ultime, Nevermind, qui explose tous les records et sonne déjà comme l’hymne d’une génération, lui-même icône christique MTV.
Il est fatigué des concerts et sort un second album qui surprend par son ton acoustique : In Utero.
Il s’est battu pour imposer ce son brut, sans les artifices studio du précédent. La maison de disque commence à s’inquiéter de ce leader ingérable et intransigeant.
Il veut la paix.
Les symboles se sont également transformés en icônes de mode : Cobain représente le Grunge : sale oversize et clairement je-m’en-foutiste. MJ représente Nike : le streetwear bling, outrageux et clinquant ! Rébellion toujours...
Tous 2 veulent quelque chose de plus, sans savoir tout à fait quoi. Tous 2 sont arrivés très haut, au sommet. Tous 2 se sentent particuliers, uniques mais différents. Déconnectés également. Géants, mais seuls.
In Utero sort au Royaume-Uni le 13 septembre 93.
Le 06 octobre, Jordan annonce sa retraite.
Il part se perdre au White Sox de Chicago, club de baseball mineur.
Cobain erre dans son manoir de Seattle.
Le spleen.
Kurt est marié à Courtney Love, Jordan à Juanita, qui gère sa carrière.
Les 2 femmes semblent être des businesswomen averties, et passent parfois pour les agents de leurs maris respectifs.
Tous 2 arrivés au sommet de leur art, quelle suite donner ? Où trouver la motivation ?
À quoi bon être adulé si votre message ne parle pas de lui-même, et qu’il faut sans cesse s’expliquer, détailler…
Ils sont constamment harcelés par la presse, n’ont plus de vie privée.
Kurt est dépressif depuis l’adolescence. Michael s’abrutit dans la compétition.
Pour Cobain, cela mènera au suicide 6 mois plus tard.
Il est retrouvé mort le 06/04/1994.
Le 18 mars 1995, Jordan is BACK !
Quelle différence ?
Là ou le leader de Nirvana est incapable de poursuivre son œuvre, sentant avoir tout dit, MJ23 revient histoire de montrer encore pendant 4 saisons qu’il est bel et bien Dieu sur le parquet.
Il n’ajoute rien, profite juste encore un peu de son talent pour écraser ses adversaires. Et les humilier, au passage.
Car MJ est très arrogant ! Kurt aussi, mais d’une tout autre manière : là ou Jordan peut simplement se contenter de s’en référer à une logique comptable pour s’assurer de gagner et montrer qu’il est le meilleur, Cobain est un artiste maudit, pouvant se déclamer « grandiose » en public et feindre une confiance en soi exacerbée, convaincu d’être le meilleur, mais se renvoyant l’image d’un raté total dans la glace. Un escroc.
Mais n’est-ce pas là justement toute la différence entre le sport et l’art ?
L’objectivité contre la sensibilité, même si il faut également de la sensibilité dans le sport et de l’objectivité dans l’art.
La notion de compétition, embrassée dans le sport et répudiée dans l’art, ne serait-elle pas la clef de voûte de ces 2 philosophies ?
Sans son instinct de compétition extrême, Jordan ne serait jamais devenu ce qu’il est, c’est même sa force #1.
Son plus grand atout : sa volonté de vaincre, perpétuelle.
Au contraire, pour le chanteur, c’est sa sensibilité extrême qui le caractérise.
Son empathie suicidaire, trop élevée, mal réglée.
Là ou MJ trashtalk comme personne, se moquant de ses adversaires, haranguant ses coéquipiers, les tyrannisant pour qu’ils soient au niveau de sa perfection, Cobain se soucie d’aider ses camarades rejetés à l’école, puis devient une sorte de Gourou pour tous les ados en peine, subissants et malheureux de la planète.
2 visions, pourtant animé par une même rage intérieure. Le feu sacré !
Or, si l’une prend des proportions tragiques, on ne peut simplement supputer qu’il faille aborder la vie comme un taureau abruti, fonçant dans tout ce qui bouge, sans regarder autour.
Au risque de finir sonné très vite, et de ne pas ressentir grand-chose.
On ne peut non plus se laisser aller à une contemplation extrême, altruisme forcené, au risque d’attentisme morbide.
Ni Hyper-individualité, ni Ultra-sensibilité.
Mais, néanmoins, on a le droit d’aimer Michael Jordan ET Nirvana.
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