Nous sommes dans la nuit du 14 au 15 août 1976, à Paris.
Jacques Lefrançois, chef opérateur de son état, dort dans son lit.
Le téléphone sonne, le réveille ! Il décroche et répond un peu groggy.
Au bout du fil, Claude Lelouch.
Le réalisateur vient d’avoir une idée de court-métrage et lui donne rdv à 5h du matin Porte Dauphine.
Ils se retrouvent donc à l’aube, en présence également de Henri Quérol, chef machiniste.
Lelouch est en avance, comme toujours.
Elie Chouraqui, l’assistant du réalisateur, est lui posté aux guichets du Louvre, muni d’un Talkie-Walkie qui ne marche pas !
Les 3 compères discutent de l’idée folle de Lelouch autour de sa voiture : une Mercedes-Benz 450 SEL 6.9 de 290ch.
Les 2 techniciens comprennent vite que celle-ci a un rôle important à jouer !
En effet, le concept de Lelouch est simple, dans l’idée du moins : fixer une caméra sur le pare-chocs avant et traverser Paris le plus rapidement possible.
Voilà où le réalisateur veut en venir. D’autant plus que la suspension hydropneumatique de la Mercedes est un atout de choix pour garantir la stabilité du système.
Nos 3 hommes se mettent donc au travail et installent le matériel. Puis ils prennent part à bord, et s’harnachent de tout leur cœur.
La légende raconte que Jacky Ickx participe au tournage mais c’est bien Lelouch qui conduit !
Une seule prise possible !
La pellicule provient des restes du précédent film du réalisateur, si c’était à refaire.
L’atmosphère est tendue.
Nous sommes en pleines vacances et il est très tôt, les rues sont donc plutôt vides.
Mais tout de même ! La moindre erreur, ou le moindre imprévu, et c’est l’accident ! D’autant plus que le freinage n’est pas le point fort de l’allemande.
Lelouch est une tête brulée, passionné de vitesse. Chouraqui est posté au seul angle mort du parcours.
Ils partent de la porte dauphine en trombe, les pneus crissent sous le poids de la lourde berline.
Au rondpoint des Champs-Elysées, la voiture glisse comme sur une patinoire !
Avenue Wagram. Le moteur gronde.
La place de la concorde défile à plus de 160 km/h, les feux rouges et les stops ne font pas partie du décor.
Au passage du Louvre, Chouraqui est en rade et ne peut donc pas communiquer.
Peu importe, il voit le bolide argenté filer sous ses yeux ! Ils montent à plus de 200 km/h, direction le Sacré-Cœur.
Arrivés rue Blanche, un camion poubelle bloque la rue. Ils passent sur le côté, sans s’arrêter, manquant d’écraser un chien et sa propriétaire au passage.
Zigzags boulevard de Clichy et slaloms à tout va.
Puis c’est un autre camion poubelle qui bloque la rue Lepic, bref changement de direction de Lelouch qui remonte le cimetière de Montmartre !
La rue de Caulaincourt n’est plus très loin de l’objectif.
La dernière partie des ruelles serpentées de Montmartre est avalée.
Les pavés tremblent.
Les rares badauds alertés par le son vrombissant du cortège infernal !
Place du Sacré-Cœur, une jolie demoiselle blonde attend le convoi.
Lelouch se gare en face, sort en toute hâte et se jette dans ses bras.
Il s’agit de sa femme.
Il l’enlace tendrement.
C’était un Rendez-Vous !
Pour info : Le son du film a été postsynchronisé. En effet, Lelouch a refait le parcours par la suite au volant d’une Ferrari, enregistrant le son et le superposant aux images de la Mercedes, ce afin d’accentuer l’effet de puissance !
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